Ali Tnani en «mode Zurich»
Autre plasticien, expérience plus récente. Le trentenaire Ali Tnani est dans le domaine depuis 20 ans et a trois résidences d’artistes derrière lui lorsqu’il voit passer sur Facebook l’appel à candidature de Pro Helvetia. Son dossier déposé en 2019 est retenu par la fondation qui lui donne les clés de sa résidence d’artiste à Zurich pendant quasiment 3 mois. «Pour un artiste tunisien dans le circuit, il me semblait y avoir autre chose que la Cité des Arts de Paris», confie Ali. «Au départ, j’avais proposé deux choses : du dessin et des programmes pour de l’installation numérique. J’ai fini par écrire le projet de film qui est venu après. Il se trouve que le projet de départ lors de l’envoi du dossier ne correspond pas toujours à celui du début de la résidence car il peut se passer beaucoup de temps entre les deux étapes», précise-t-il
Au cours de cette résidence zurichoise, Ali Tnani apprend à introduire du trait et des formes beaucoup plus linéaires. Hormis la technique, il découvre surtout toute une atmosphère, un lieu. «C’était bien d’être dans ce quartier avec les trains, la vue sur montagne. On a vraiment le temps de travailler sans être pressé. En terme de conditions de travail, c’était super ! Je sortais faire mes courses avec mon vélo, les gens étaient cool. Avec un bel entourage et de bonnes conditions, j’étais déjà prêt à exposer tout de suite !», explique Ali. Mais cette expérience dans une ville très différente de Tunis lui a-t-elle fait perdre ses repères ? «Chacun créé sa propre mythologie, confie-t-il. Contrairement à mes autres résidences d’artistes où c’était beaucoup plus social, à Zurich j’ai choisi de me consacrer pleinement à mon projet. Je ne suis presque pas sorti à part aller à quelques expositions. Je voulais une vie plus saine, faire du sport, travailler. D’ailleurs aujourd’hui quand l’envie me prend de faire du sport et de me concentrer, je me dis qu’il faut me remettre en «mode Zurich ! Réveil à 6h, douche, petit-déjeuner, travail. Ça fait du bien ! Ce n’est peut-être pas propre à Zurich mais plus le fait d’être en résidence».
À Zurich, Ali Tnani a tout-de-même l’occasion de faire des rencontres artistiques et ne rate pas les expositions. «C’est toujours une belle occasion de visiter des centres d’art, notamment à Zurich où c’était très bien. Les artistes doivent rester à la page en visitant par exemple des expositions d’artistes internationaux, explique-t-il. Personnellement, je suis allé voir l’exposition d’une artiste anglaise qui a fait un film avec une dizaine d’écrans dans la salle. Je suis resté une ou deux heures à analyser le tout! Les artistes ont besoin d’autres artistes pour savoir comment avancer. Ça devrait être la normale et le format résidence est vraiment la meilleure chose. Tout le monde en a besoin. Il y a 10 ans, j’étais content d’être à la Cité des Arts de Paris. Après j’aimerais bien être dans une super résidence à New York ou Tokyo». Quid de Tunis ? «C’est petit. Il y a malheureusement aussi des problèmes qui empêchent que la Tunisie ne devienne une destination culturelle. Ça tourne autour d’un noyau de 2-3 galeries et centres privés mais ce n’est pas suffisant. Je pense que la Tunisie a un potentiel pour organiser des résidences, particulièrement pour la jeune génération. Là par exemple, il y a des artistes tunisiens en résidence au B7L9, le festival Gabès Cinéma Fen qui va organiser des résidences en amont, etc. Je crois savoir que de nombreux artistes tunisiens s’organisent, font des expos dans des villas et appartements. J’avais déjà vu cela à Zurich avec des artistes particuliers, des commissaires», confie l’artiste.
Alors qu’il est supposé rester 3 mois, Ali Tnani est rapatrié 10 jours avant la date ultime, début de la pandémie de COVID-19 oblige. Qu’en est-il tout-de-même du bilan de cette résidence d’artiste ? «Pour un petit projet de 3 mois, c’était bien mais court. On n’avait pas vraiment le temps d’enclencher une suite sur place. Je pense que cela aurait pu être mieux avec un projet de 6 mois ce qui m’aurait peut-être permis de rencontrer plus de personnes locales intéressantes», nous explique-t-il. Chacun sa résidence, chacun son expérience. Seule l’envie de découverte et les riches échanges entre les cultures suisse et tunisienne les réunissent.