«Nous allons proposer des cours supplémentaires pour maçons, ferblantiers et experts sanitaires»
Actualités locales,
11.05.2015
Le tremblement de terre au Népal a aussi fortement endommagé le bâtiment de l'Ambassade de Suisse à Katmandou. Urs Herren, ambassadeur de Suisse au Népal, nous raconte comment il a vécu le séisme, comment cette crise est gérée par l'Ambassade et quel en est l’impact sur l'engagement à long terme de la Suisse dans ce pays.
Monsieur l'Ambassadeur, où étiez-vous lorsque la terre a tremblé?
C'était un samedi après-midi. Nous venions de prendre notre déjeuner à la maison. Lors d'un tel séisme, on a l'impression que le bâtiment tout entier se déforme. Les meubles ont commencé à bouger. Les canapés ont glissé de deux mètres sur le côté. Par chance, à ce moment-là, mes deux filles participaient à une manifestation sportive à l'étranger.
Le lendemain, la terre se remettait à trembler. Comment surmonte-t-on un tel choc?
Le dimanche, nous avions déjà déclenché le dispositif de gestion de crise et lancé nos opérations. J'ai ressenti le deuxième séisme, bien sûr, mais le travail a continué. Il faut dire que cette secousse était bien plus faible que la première.
Les employés népalais sont spécialement touchés car ils doivent aussi s'occuper de leur famille. En pareille situation, que peut-on encore leur demander?
Depuis le début, je leur ai dit clairement qu'ils devaient s'occuper en priorité de leur famille. Malgré tout, le dimanche, plus de la moitié des employés locaux étaient présents à l'Ambassade pour nous aider. A Katmandou, l'équipe entretient depuis longtemps des liens étroits avec la DDC, dont le bureau coopère depuis de nombreuses années avec le Népal sur des projets de développement. Ces employés font preuve d'une loyauté extraordinaire.
Le samedi déjà, vous avez dû instaurer des mesures d'urgence. Que faut-il faire en premier et à quoi faut-il penser ensuite?
Tout de suite après le séisme, je me suis rendu à l'Ambassade. D'autres collègues suisses et népalais ont fait de même. L'équipe de garde était déjà là. Nous avons commencé à ouvrir le container d'urgence et à prendre les premières mesures. En outre, une première ronde a révélé que le bâtiment était fortement endommagé.
Qu'est-ce qu'un container d'urgence? Toutes les ambassades en ont-elles un?
Non, pas toutes. On sait que Katmandou est fortement menacée par les tremblements de terre. Pour cette raison, mon prédécesseur avait mis en place l'infrastructure nécessaire. Nous venions d'ailleurs de procéder à un exercice de crise sismique avec toute l'équipe, en février. J'en suis très heureux. Nous avions alors monté les tentes, examiné le matériel, rassemblé les documents relatifs à l'accueil des ressortissant suisses, etc. Or, le lendemain du séisme déjà, les cinq premiers touristes suisses se présentaient à l'Ambassade. Le dimanche, nous avons installé les tentes et la cuisine d'urgence, ce qui nous a permis d'accueillir d'autres touristes.
Combien de Suissesses et de Suisses « en rade » ont finalement rejoint le site de l'Ambassade?
Au total, nous avons hébergé 103 touristes. En moyenne, le camp abritait entre 40 et 45 personnes. Certaines ne sont restées qu'une nuit car elles avaient un billet d'avion pour le lendemain. D'autres devaient encore acheter le leur et sont restées plus longtemps. Une bonne semaine après la catastrophe, nous avons pu fermer le camp. A ce moment-là, Katmandou «fonctionnait» de nouveau assez bien: les hôtels, les maisons d'hôtes et les restaurants avaient rouvert et à partir du mercredi, le trafic aérien était aussi revenu à la normale.
Vous n'avez pas accueilli que des ressortissants suisses, mais aussi des touristes étrangers. Pourquoi?
Katmandou est coupée en deux par la rivière Bagmati. Les ambassades suisse et norvégienne sont les seules à se trouver dans la partie sud. Sur la base d'un accord entre ambassades, nous avons notamment accueilli des touristes allemands et français, dont les représentations se trouvent au nord du centre-ville. Le contraire aurait aussi été possible.
En plus d'accueillir les voyageurs sur son site, l'Ambassade a reçu de nombreux avis de recherche de proches résidant en Suisse. Comment avez-vous géré cette charge de travail supplémentaire?
Au total, nous avons reçu près de 300 avis de recherche. Le lendemain du séisme déjà, nous avons commencé à leur donner suite. Lorsque nous avions le numéro de téléphone du compatriote recherché, nous pouvions rapidement établir un contact. D'autres cas nous ont pris plus de temps. Au départ, nous avons perdu quelques heures car nous devions d'abord récupérer l'infrastructure nécessaire dans le bâtiment endommagé et la remettre en état.
Vous avez toutefois reçu des renforts du Département.
Oui. Le Pool d'intervention de crise du DFAE nous a très rapidement soutenus. Trois membres du personnel consulaire nous ont ainsi rejoints depuis la Suisse et depuis la représentation à Belgrade. C'est aussi grâce à eux que nous avons pu mener à bien la recherche des touristes et des ressortissants suisses domiciliés à Katmandou.
Après cela, vous avez encore eu l'équipe d'intervention d'urgence de l'Aide humanitaire dans le jardin...
Nous avons été très heureux d'accueillir cette équipe. De par sa structure, elle fonctionne de façon largement autonome. Nous lui avons naturellement fourni des contacts et des informations, mais elle n'était en aucun cas une charge. Au contraire, elle nous a beaucoup aidés.
Soucis mis à part, quelle était l'ambiance générale sur le site de l'Ambassade?
Pour mon équipe locale, la situation était assurément pesante. Beaucoup d’employés ont subi dans leurs maisons des dégâts qui devaient d'abord être examinés. Les premières nuits, nombre d’entre eux ont dû dormir dehors, notamment à cause des répliques. Après quatre jours d'engagement intense, la fatigue a commencé à se faire sentir. A partir du mercredi qui a suivi la catastrophe, nous disposions néanmoins d’équipes tournantes, ce qui a permis à chacun de se reposer un peu.
Les touristes suisses de passage à l’Ambassade vous ont-ils raconté leur histoire?
J'ai parlé avec eux et écouté leurs récits. Certains avaient vécu des expériences vraiment traumatisantes. Dans mon équipe, il y a heureusement une personne formée au soutien psychosocial. Ce qui me réjouit, c'est que beaucoup nous ont écrit pour nous remercier de la qualité de notre prise en charge à l'Ambassade. Je transmets volontiers ces remerciements à mon équipe.
Combien de temps faudra-t-il au Népal pour se relever?
C'est difficile à dire. Sur les montagnes et les collines entourant la vallée de Katmandou, où les dégâts sont les plus marqués, la reconstruction va sans doute prendre un certain temps. Les répercussions sur le développement et la croissance économique restent impossibles à estimer. Nous nous trouvons encore dans la phase de l'aide d'urgence, où des bâches et des tentes, mais aussi une aide alimentaire sont nécessaires. Au cours des prochaines semaines, toutefois, il faudra se pencher sur les besoins à moyen terme en vue de la reconstruction.
Le bureau de coopération doit-il dès lors adapter ses projets?
Il existe certainement des projets qui ne pourront plus être mis en œuvre comme prévu initialement. Nous allons essayer de participer à la reconstruction en nous fondant sur des projets existants. C'est ainsi que nous entendons nous concentrer sur la remise en état d’infrastructures endommagées dans le cadre des projets de construction de ponts et de routes. Dans le domaine de l'agriculture, il sera probablement utile de fournir des semences pour la prochaine saison. Nous allons pouvoir le faire à partir du programme actuel. Et comme les besoins en travailleurs du bâtiment sont énormes, nous prévoyons d’adapter notre programme de formation professionnelle et de proposer des cours supplémentaires pour maçons, ferblantiers et experts sanitaires.
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